L’expiation d’une relation sexuelle durant le pèlerinage
Les savants sont unanimes pour affirmer que le pèlerin, s’il a des relations sexuelles durant l’accomplissement de son pèlerinage alors celui-ci est invalide. Ceci en raison de ce verset :
« Quiconque s’impose d’accomplir le pèlerinage au cours de ces mois doit s’interdire tout rapport conjugal, tout péché et toute vaine dispute pendant la durée du pèlerinage. » (Coran 2 ; 197).
Ils sont également tous d’accord pour affirmer que si le pèlerin a des rapports avec son épouse avant d’avoir stationné sur le mont ‘Arafa alors son pèlerinage est invalide. Le statut est le même pour le fidèle qui accomplit une ‘Omra (petit pèlerinage) et qui a des rapports avec son épouse avant d’avoir tourné autour de la Ka’ba (la maison sacrée) et effectuer les allers-retours entre les monts de Safa et Marwa.
Ceci dit, les savants divergent pour déterminer si les rapports sexuels invalident le pèlerinage dans les cas suivants, en ces deux moments. Le premier, entre la station sur le mont ‘Arafa et la lapidation des stèles de Al-‘Aqaba. Le deuxième, entre la lapidation les stèles et les tours obligatoires autour de la Ka’ba, qu’on appelle Tawâf Al-Ifâda. Les avis des imams des écoles de jurisprudence sont les suivants : Malik dit : « qui a des rapports avant d’avoir lapidé les stèles de Al-‘Aqaba alors son pèlerinage est invalide. Il doit sacrifier une bête et compenser son pèlerinage. » Shâfi’î est du même avis. Abu Hanîfa et Al-Thawri disent : « Il doit sacrifier une chamelle et son pèlerinage est complet. » Ce même avis a été rapporté de Malik.
Malik dit aussi : « Qui a des rapports après avoir lapidé les stèles de Al-‘Aqaba et avant d’avoir accompli le Tawâf Al-Ifâda alors son pèlerinage est complet. » Cet avis de Malik est celui de la plupart des savants : ils affirment que des rapports sexuels avant le Tawâf Al-Ifâda n’invalident pas le pèlerinage. Ils disent que le pèlerin doit malgré cela sacrifier une bête. Mais certains savants ont dit : « Qui a des rapports avant le Tawâf Al-Ifâda alors son pèlerinage est invalide. » et cet avis est celui de Ibn Omar.
La raison de la divergence est la suivante : quand le pèlerin met un terme à son état de sacralisation, il ressemble en cela au fidèle qui, en prière, met un terme à sa prière. Le pèlerin se met en état de désacralisation majeur quand il a accompli le Tawâf Al-Ifâda. Mais les savants disent qu’il y aussi un état de désacralisation mineur qui correspond à la lapidation des stèles le jour du sacrifice de la bête. Aussi la question qui est posée est la suivante : pour que des rapports soient permis, le pèlerin doit-il avoir effectué les rites qui correspondent aux deux types de désacralisation ou qu’à un seul ? Pour ce qui est de la désacralisation mineure, c’est-à-dire la lapidation des stèles le jour du sacrifice, tous affirment qu’une fois ce rite effectué, le pèlerin peut faire tout ce qui lui était interdit durant le pèlerinage sauf avoir des rapports sexuels et se parfumer. Certains ajoutent à cela la chasse. Ce dernier point est objet de divergence. Ce qui est connu de l’avis de Malik est que seuls les deux premiers points sont interdits. Mais on a aussi rapporté de lui qu’il considérait que même la chasse l’était, parce que le sens apparent de ce verset laisse entendre qu’il s’agit d’une désacralisation majeure : « Après avoir quitté l’état de sacralisation [Et le territoire sacré.], vous pourrez de nouveau chasser. » (Coran 5 ;2).
Les savants sont unanimes pour affirmer que dans le cadre du petit pèlerinage, la ‘Omra, le pèlerin sort de son état de sacralisation une fois qu’il a effectué ses tours autour de la Ka’ba et les allers-retours entre les monts de Safa et Marwa. Et ce, même s’il ne sait pas couper les cheveux ou raser le crâne en raison d’un récit authentique d’un compagnon à ce sujet. Seul un avis contraire a été émis mais il a est tout à fait marginal. Mais pour Ibn Abbass, selon ce qui est rapporté de lui, on est plus en état de sacralisation durant la ‘Omra une fois qu’on a effectué les tours autour de la Ka’ba. De son côté, Abu Hanifa affirme : « le pèlerin n’est plus en état de sacralisation uniquement après avoir raser son crâne. Et s’il a des rapports sexuels avant de l’avoir fait alors sa ‘Omra est invalide. »
Par ailleurs, les modalités du rapport sexuel et de ses préliminaires en tant qu’annulatif du pèlerinage sont objet de divergence. Pour la plupart des savants, s’il y a un contact entre les deux sexes alors le pèlerinage est invalide. Et vu que certains savants considèrent qu’il faut aussi qu’il y ait éjaculation pour qu’il soit obligatoire de se purifier, il est probable qu’ils émettent cette même condition pour que le pèlerinage soit invalide.
Et si l’homme n’éjacule pas dans le sexe de la femme, cela annule-t-il le pèlerinage ? C’est aussi une question objet de divergence. Abu Hanifa dit : « Cela n’annule pas son pèlerinage sauf s’il éjacule dans le sexe de la femme. » Shâfi’î a dit : « Tout acte qui oblige l’application d’une peine légale invalide le pèlerinage. » Malik a dit : « Ejaculer en soi est suffisant pour invalider le pèlerinage. Il en est de même des préliminaires au rapport comme les caresses et les baisers. » Pour Shâfi’î, le pèlerin qui a un rapport charnel avec son épouse mais sans la pénétrer alors il lui est préférable qu’il sacrifie une bête.
Une autre question est objet de divergence : Si le pèlerin a des rapports sexuels avec son épouse à plusieurs reprises. Malik dit : « Rien ne lui incombe sauf le sacrifice d’une seule bête. » Abu Hanifa dit : « S’il a plusieurs rapports successifs alors il ne doit sacrifier qu’une seule bête mais s’il a eu plusieurs rapports en des moments différents alors il devra sacrifier une bête en fonction du nombre de fois où il a eu des rapports. » Mohammed ibn Al-Hasan a dit : « Il est suffisant dans ce cas de sacrifier une seule bête même s’il a eu plusieurs rapports tant qu’il n’a pas encore expier son acte par un sacrifice pour le premier de ces rapports. » Ces trois avis précédents sont attribués à Shâfi’î mais l’avis qui est le plus connu le concernant est celui qui est identique à l’avis de Malik.
Une autre question est objet de divergence : Si le pèlerin a eu des rapports sexuels avec son épouse en ayant oublié que c’est interdit. Pour Malik, il n’y a aucune différence, qu’il l’ait fait volontairement ou par oubli. Selon le nouvel avis de Shâfi’î, aucune expiation ne lui incombe.
La femme doit-elle sacrifier une bête ? Malik dit : « Si elle a eu des rapports de son plein gré alors elle doit sacrifier une bête. Mais si son mari l’a contraint à avoir un rapport alors c’est lui qui devra en sacrifier deux. » Shâfi’î a dit : « Il ne doit sacrifier qu’une seule bête, comme c’est le cas s’il a des rapports durant le mois du Ramadan. »
La plupart des savants sont d’avis que si les deux époux reviennent à l’avenir pour compenser leur pèlerinage invalide, alors ils devront se séparer physiquement et rester à distance l’un de l’autre durant les rites. Mais certains savants soutiennent qu’ils n’ont pas à le faire. Ces derniers fondent leur avis sur des récits qui sont attribués à des compagnons et à leurs successeurs. Et Abu Hanifa est de cet avis. Malik et Shâfi’î ne sont pas d’accord pour déterminer à partir de quel endroit ils devront se séparer. Shâfi’î dit : « Ils doivent se séparer à l’endroit où ils ont invalidé leur pèlerinage. » Malik a dit : « Ils doivent se séparer à l’endroit où ils se sont mis en état de sacralisation sauf s’ils se sont mis en état de sacralisation avant l’un des points légiférés pour ce faire. »
Les savants qui sont d’avis que les époux doivent accomplir les rites du pèlerinage séparément ont émis cet avis par principe de précaution et par punition. Mais ceux qui n’exigent pas qu’ils les accomplissent séparément fondent leur avis sur le principe de base qui veut que, à priori, on ne peut affirmer d’aucun statut à ce sujet sauf si on dispose d’un texte scripturaire.
Quelle bête est-il obligatoire de sacrifier pour expier un rapport sexuel durant le pèlerinage ? C’est là aussi une question qui divise les savants. Malik et Abu Hanifa affirment que c’est un caprin (tout animal de la famille de la chèvre). Shâfi’î dit : « Son expiation ne sera suffisante que s’il sacrifie une chamelle. Et s’il n’en trouve pas alors on évaluera la valeur de la chamelle en dirham (en pièce d’argent), et ces dirhams en nourriture (qui sera donnée en aumône aux nécessiteux). Et s’il n’a pas les moyens alors il devra jeûner un jour pour chaque quantité de nourriture évaluée que peut contenir les deux mains jointes d’un homme de taille moyenne. » Il dit aussi : « Son expiation ne sera valable que s’il nourrit les pauvres ou sacrifie la bête à la Mecque ou à Mina. Mais s’il doit jeûner, il pourra le faire où bon lui semble. » Malik a dit : « Tout manquement après s’être mis en état de sacralisation, qu’il s’agisse d’un rapport sexuel, se raser le crâne ou un empêchement (par l’ennemi ou pour une maladie) alors ce pèlerin, s’il ne trouve pas de quoi sacrifier une bête devra jeûner trois jours sur les lieux du pèlerinage et sept une fois de retour dans son pays. Mais ce statut ne concerne pas le cas où il doit nourrir des pauvres.
On constate que dans ce cas, Malik assimile le sacrifice d’une bête à celui qui incombe au pèlerin qui accomplit le rite selon le mode dit : Al-Tamattu’. Shâfi’î quant à lui assimile le sacrifice obligatoire d’une bête à une compensation. Pour Malik, on ne sacrifie une bête que pour expier le fait d’avoir chassé ou éradiquer une nuisance. Shâfi’î considère qu’il est possible de jeûner ou nourrir des pauvres à la place du sacrifice d’une bête en deux endroits. Mais le sacrifice d’une bête ne peut pas se substituer au jeûne et nourrir les pauvres uniquement dans un seul cas. Etablir une analogie entre deux faits dont rien n’a été dit sur le premier contrairement au second est plus à même de s’appliquer pour nourrir les pauvres.
Voilà pour ce qui est de l’invalidité du pèlerinage à cause des rapports sexuels.