Après avoir présenté dans une première partie les Assassins de Perse, voici ceux du Cham.
Les Assassins dans le Cham (Syro-Palestine) :
Le Cham connut divers grands chefs Assassins comme Bahrâm al-Istrâbâdî ou encore le prédicateur Ismâ’îl al-Fârisî, ces chefs profitèrent du fait que le gouverneur d’Alep, Ridwân ibn Tutuch, devint favorable à leur doctrine ; ceci facilita donc grandement la venue de nombreux Ismaélites perses à Alep, ce qui augmenta considérablement la force des Assassins dans le Cham.
Parmi les plus grandes figures de la secte dans le Cham on trouve le « Vieux de la montagne » Sinân ibn Salmân ibn Mahmûd plus connu sous le nom de Rachîd al-dîn, ce dernier grandit à Bosra, puis il fit l’apprentissage des sciences de sa doctrine au sein de la citadelle d’Alamout, il était un ami proche du chef de la secte d’alors al-Hasan ibn Muhammad, lequel, lorsqu’il accéda à la position suprême, lui ordonna de partir pour le Cham. C’est ainsi que Rachîd al-dîn s’installa dans le Cham où il rassembla autour de lui les Ismaélites de la région qui devinrent alors beaucoup plus puissants, et s’ils reconnurent son imamat, après sa mort, ils recommencèrent néanmoins à obéir aux imams d’Alamout. Ce Rachîd al-dîn était un être effrayant, et les Ismaélites disent de lui que c’était incontestablement leur personnage le plus important. Ses successeurs étaient faibles, ce qui facilita leur déchéance et le fait qu’al-Zâhir ibn Baybars eut raison d’eux.
Les Assassins étaient maîtres dans le Cham de diverses forteresses dont : Baniyas, Qadmous, Masyaf, al-Kahf, al-Khawâbî, al-Manîqa ou encore al-Qalî’a. Ils prirent en outre par la force d’autres places fortes, de même qu’ils étaient en lutte avec les Zankides et tentèrent à plusieurs reprises d’assassiner Salâh al-dîn al-Ayyûbî ou Saladin.
La collaboration des Assassins avec les Croisés :
Voici ce qui confirme leur collaboration avec les Croisés :
1- Aucun Croisé ne fut fait prisonnier ou tué par les Assassins
2- Les Assassins furent combattus par le maître seldjoukide de Mossoul qui se rendit à Damas afin d’aider ses frères musulmans à contre-attaquer à l’offensive des Latins.
3- Les Assassins remirent leur forteresse de Baniyas aux Croisés et son chef Ismâ’îl trouva refuge auprès de ces derniers et il mourut parmi eux.
4- La collaboration de troupes ismaélites et croisées à Antioche après que Nûr al-dîn Zankî se fut emparé d’Alep.
Croyances et idéologies des Assassins :
-Les Assassins partagent avec la majorité des Ismaélites à peu près les mêmes croyances et notamment la nécessité d’avoir un imam infaillible et annoncé par les textes, ce dernier doit en outre nécessairement être le plus grand fils de l’imam précédent.
-Tous ceux qui furent chefs des Assassins étaient considérés comme étant les propagandistes et représentants de l’imam caché, et ce, à l’exception d’al-Hasan al-Thânî et de son fils qui prétendirent être des imams de la lignée de Nizzâr.
-L’imam des Assassins du Cham, Rachîd al-dîn, alla au-delà des croyances des Ismaéliens lorsqu’il évoqua la réincarnation des âmes, de même qu’il prétendait connaître l’Inconnaissable.
-Al-Hasan al-Thânî ibn Muhammad proclama la « Résurrection des Résurrections », de même qu’il abolit la Charia et les obligations religieuses.
-Pour eux il y a le pèlerinage apparent, celui à La Mecque, et le « vrai » pèlerinage, celui qu’ils effectuent vers les deux imams du temps, l’apparent et le caché.
-A certaines étapes de leur évolution, les Assassins avaient pour devise : « La réalité n’existe pas et tout est permis ».
-La pratique de l’assassinat était chez eux quelque chose de très bien organisé ; c’est ainsi que dès l’enfance les adeptes étaient entraînés à obéir aveuglément et à croire sans douter à tout ce qu’on leur apprenait, puis lorsqu’ils devenaient plus robustes, on les entraînait au maniement des armes et surtout à celui du poignard, ils apprenaient en sus à se cacher et à pratiquer le secret, de même que s’ils étaient pris lors d’une mission, ils apprenaient les manières de se suicider avant de dévoiler à l’ennemi un seul de leurs secrets. C’est pour ces raisons qu’ils étaient extrêmement redoutés dans tout le monde islamique à l’époque.
-Ils se cachaient derrière les murs de diverses citadelles et autres places fortes, ils en avaient dans toute la région qui était sous leur domination ; par ailleurs, s’ils perdaient une place forte, ils ne perdaient jamais de vue la possibilité de la reprendre.
-L’historien Kamâl al-dîn ibn al-‘Adîm dit à leur propos en 1176 la chose suivante : « Les habitants de la montagne d’al-Samâq se noyèrent dans les péchés et la perversion, ils se nommaient néanmoins les « purs », les hommes et les femmes se mélangeaient lors de fêtes alcoolisées durant lesquelles un homme pouvait avoir des relations charnelles avec sa sœur ou sa fille, les femmes portaient des vêtements masculins ou bien encore l’un d’entre eux affirma que Sinân était son dieu ».
Les origines de la croyance et de l’idéologie de la secte :
-Les origines idéologiques et religieuses des Assassins sont d’abord chiites puis ismaélites.
-L’assassinat était pour les adeptes de la secte un moyen politique et religieux dont le but était d’implanter leurs croyances et de remplir d’effroi les cœurs de leurs ennemis.
-Le concept de la réincarnation des âmes que prônait Rachîd al-dîn avait été emprunté aux Alaouites.
Leur expansion et les lieux sous leur domination :
-Leur prédication partit des provinces de Kerman et de Yazd vers le centre de l’Iran et Ispahan puis elle gagna la province du Khuzestan puis Hadaba-i-daylem et elle s’enracina enfin dans la citadelle d’Alamout ; les adeptes de la secte s’étendirent également vers le nord, ils atteignirent donc la province de Mazandaran puis celle de Qazvin, puis ils s’emparèrent des régions de Rodbar, de Lamasar et de Kohastan ; ils prirent en outre de nombreuses forteresses et poussèrent jusqu’au fleuve Jihoun.
-Leur prédication finit par arriver jusqu’en Syrie, les Assassins se rendirent maîtres de diverses citadelles et places fortes à travers le pays dont notamment Baniyas, Masyaf, Qadmous, Kahf, al-Kawâbî ou encore Salmiya.
-Le Mongole Houlagou Khan les anéantit en Iran et en Syrie et c’est al-Thâhir Baybars qui en finit avec eux.
-Les Assassins ont toutefois des adeptes encore jusqu’à aujourd’hui en Iran, en Syrie, au Liban, au Yémen, dans la province de Najran, en Inde ou encore dans certains Etats satellites de l’ex-Union soviétique.
En résumé, nous pouvons affirmer que la secte des Assassins est une branche de l’ismaélisme nizârite, ses adeptes firent de l’assassinat un moyen d’arriver à leurs fins, ils commirent des attentats dans de grandes proportions, ils s’attaquaient aux grandes personnalités qui s’opposaient aux Ismaélites telles que des rois ou de grands chefs militaires ainsi qu’à tous ceux qui leur semblaient être des adversaires. Les oulémas ont de manière systématique émis des avis juridiques qui autorisent à les tuer, incitent à laver la surface de la terre de leur présence impure, interdisent de manger la viande sacrifiée par leur soin ou de se lier d’amitié avec eux.