Un égaré a écrit : « C’est une chose grave et douloureuse d’envisager la possibilité que le Prophète ait été détourné de la Révélation et se soit laissé entraîner vers la séduction des polythéistes ». Il a tiré argument de la parole d’Allah, le Très Haut, (sens du verset) :
« Ils ont failli te détourner de ce que Nous t’avions révélé, [dans l’espoir] qu’à la place de ceci, tu inventes quelque chose d’autre et (l’imputes) à Nous. Et alors, ils t’auraient pris pour ami intime. Et si Nous ne t’avions pas raffermi, tu aurais bien failli t’incliner quelque peu vers eux. Alors, Nous t’aurions certes fait goûter le double [supplice] de la vie et le double [supplice] de la mort ; et ensuite tu n’aurais pas trouvé de secoureur contre Nous » (Coran 17/73-75)
Il a ensuite cité certaines versions mentionnées dans les exégèses afin d’étayer ses arguments.
Pour réfuter cette calomnie, il faut méditer objectivement sur ce verset pour expliciter les sens qu’il véhicule et le replacer dans son contexte. En effet, le contexte de ce verset est le discours traitant du sort des mécréants dans l’au-delà, tel que le décrit la parole d’Allah, le Très Haut (sens du verset) :
« Et quiconque aura été aveugle ici-bas, sera aveugle dans l’au-delà, et sera plus égaré [encore] par rapport à la bonne voie ». (Coran 17/72)
Ceci est suivi par le verset en question qui constitue un passage manifeste du discours relatif aux mécréants dans l’au-delà, suite à l’évocation de certaines de leurs actions dans ce bas monde. Ceci a peut-être pour but d'expliquer les raisons de la torture qu’ils subiront et de la cécité dont ils seront frappés dans l’au-delà. C’est dans ce contexte qu’Allah, exalté soit-Il, indique que les mécréants, après avoir échoué dans leur tentative de détourner le Prophète () de sa mission ou d’exercer une influence sur lui en torturant ses Compagnons, ont recouru à la stratégie de la douceur, en essayant de le détourner de certains aspects de ce qui lui avait été révélé et qu’Allah, le Très Haut, exprime par Sa parole (sens du verset) : «(…) de ce que Nous t’avions révélé » sans que le verset n'indique ce qu’ils ont demandé au Prophète () de changer, ni ce qu’ils lui ont demandé d’ajouter à la Révélation tel que l’indique Allah, le Très Haut, par Sa parole (sens du verset) : «(…) [dans l’espoir] qu’à la place de ceci, tu inventes quelque chose d’autre et (l’imputes) à Nous ». Cependant, le contexte général prouve qu’ils ont demandé au Prophète () de faire certaines concessions en faveur de leurs idoles. Ils sont même allés jusqu’à lui demander d’attribuer ces concessions à Allah, exalté soit-Il, et ce, en contrepartie d’une récompense à savoir l’obtention de leur agrément, la cessation du tort qu’ils lui faisaient, et leur compagnie ; une récompense qu’Allah, le Très Haut, exprime par Sa parole (sens du verset) : « Et alors, ils t’auraient pris pour ami intime ».
Or, Allah, exalté soit-Il, a raffermi les pas de son Messager sur le droit chemin, tel qu’Il le confirme par Sa parole (sens du verset) : « Et si Nous ne t’avions pas raffermi » et l’a prévenu contre le danger de suivre le chemin des polythéistes en l’exhortant par Sa parole, (sens du verset) :
« Alors, Nous t’aurions certes fait goûter le double [supplice] de la vie et le double [supplice] de la mort ; et ensuite tu n’aurais pas trouvé de secoureur contre Nous » (Coran 17/73-75)
C’est ainsi que ce verset est devenu alors une proclamation solennelle adressée à la nation musulmane pour confirmer qu’Allah, exalté soit-Il, a préservé Son Livre et qu’Il reconnaît le mérite de Son Prophète () qui l’a préservé et a emprunté la bonne voie.
Par conséquent, rien dans ce verset ne saurait mettre en doute la Révélation ni l’intégrité du Prophète (). Comment envisager une supposition pareille si le verset confirme explicitement que l’inclination du Prophète vers eux n’était qu’une idée passagère qui n’a jamais pris la forme d’une réalité vécue ni d’un engagement verbal ? C’était une simple chimère ou peut-être une pensée qui n’a pas tardé à se dissiper sous l’effet du raffermissement divin par lequel Allah, exalté soit-Il, a confirmé qu’Il préservait Son Prophète et Son Livre. Le verset vient donc contrer les calomnies de ces diffamateurs.
Quant aux raisons de la révélation de ce verset, leur narration est jugée da'îf, bien qu’elles soient évoquées par les exégètes, lesquels citent ce qui a été jugé authentique aussi bien que ce qui ne l’a pas été. Parmi les raisons citées par les exégètes à ce sujet, notons la version de Sa`îd ibn Djubayr, qu'Allah lui fasse miséricorde : « Lorsque le Messager d’Allah () entreprenait de saluer la Pierre Noire (en la touchant), les Quraychites l’en privaient en disant :
- ‘On ne le laissera pas faire à moins qu’il touche également nos idoles’.
Le Prophète s’est dit alors :
- ‘Quel inconvénient y a-t-il à ce que je les touche pourvu qu’ils me laissent saluer la Pierre Noire, et Allah sait bien que je déteste leurs idoles’.
Mais Allah, exalté soit-Il, a désapprouvé cette idée et lui a révélé alors Sa parole (sens du verset) :
« Ils ont failli te détourner de ce que Nous t’avions révélé, [dans l’espoir] qu’à la place de ceci, tu inventes quelque chose d’autre et (l’imputes) à Nous »
Comme vous pouvez le constater, cette narration est jugée « mursala » (de sa chaine de transmission manque un maillons essentiel : le Compagnon), car Sa`îd ibn Djubayr n’a pas vécu à l’époque du Prophète () et tout ce qu’il raconte au sujet des événements qui avaient eu lieu du vivant du Prophète () est classifié mursal, qui est une catégorie des hadiths faibles. Au niveau de la chaîne de transmission, cette narration n’est donc pas authentique. Et si l’on suppose qu’elle est authentique, cette pensée qui a effleuré l’esprit du Prophète () et qui consistait à ce qu’il consente à leur requête n’était en fait qu’un effort d’interprétation personnel de sa part dans l’espoir de voir d’autres intérêts religieux légitimes se réaliser tels que la possibilité de saluer la Pierre Noire qui est à la fois un culte et un rapprochement d’Allah, exalté soit-Il ; et aussi l’adoucissement des cœurs des polythéistes vis-à-vis de lui et de ses Compagnons, de façon à rendre plus probable la possibilité de les voir embrasser l’Islam en fin de compte et de réduire leur opposition à son appel vers le sentier d’Allah. En effet, il était permis, en matière de fiqh, que le Prophète () procède à un effort d'interprétation au sujet de ce qui n’avait pas encore tranché par la Révélation et ce jusqu’à ce qu’Allah, exalté soit-Il, le guide soit en approuvant le résultat de son interprétation, soit en lui indiquant la bonne voie à emprunter à cet égard. Tel est justement ce qui est arrivé lors de cet événement lorsque Allah, exalté soit-Il, lui a interdit de consentir à la requête des polythéistes vu les effets négatifs qui en découleraient et nuiraient à sa mission, en tête desquels le risque de détourner les musulmans de leur religion, car les polythéistes leur auraient dit : « Regardez votre Prophète et votre exemple ; il a salué nos idoles et les a glorifiées, et a délaissé ce à quoi il vous appelait », ce qui aurait constitué en soi la pire des calamités et aurait entraîné les répercussions les plus néfastes.
Parmi les autres raisons que les exégètes ont évoquées au sujet de la révélation de ce verset, notons celle de Qatâda, qu'Allah lui fasse miséricorde, qui a dit : « Il nous a été rapporté que les Quraychites étaient restés seuls avec le Messager d’Allah () et avaient passé toute la nuit, jusqu’au matin, à lui parler, à lui faire des éloges, à reconnaître son statut éminent et à se rapprocher de lui et ils lui avaient dit, entre autres : « Tu fais ce que nulle autre personne ne fera jamais, bien que tu sois notre maître et le fils de notre maître ». Et ils continuèrent à lui tenir ce langage à tel point qu’il faillit consentir à leur requête mais Allah, exalté soit-Il, l’a protégé et l’a empêché de se laisser induire en erreur.
Le commentaire relatif à cette narration est pareil à celui de la narration de Sa'îd aussi bien au niveau de la chaîne de transmission qu’à celui du texte rapporté. C’est que Qatâda, le fils de Du'âma al-Sadussî, est un tâbi'î fiable, mais il n’a pas vécu à l’époque du Prophète () et par conséquent ses narrations sont jugées mursala, ce qui les classe parmi les versions faibles. Concernant le contenu, il n’y a rien à ajouter au commentaire relatif à la narration précédente, à part le fait que celle-ci a détaillé la requête des polythéistes alors que celle de Qatâda l’a résumée.
Les exégètes ont évoqué de même la version d’Ibn Abbâs, qu'Allah soit satisfait de lui et de son père, à savoir que : « Les gens de Thaqîf ont dit au Prophète () : ‘Laisse-nous profiter de nos divinités une année encore pour prendre les offrandes que les gens leur font, et lorsque nous les aurons prises, nous embrasserons l'Islam et nous détruirons ces idoles. Alors le Prophète () faillit le leur permettre en leur accordant le délai requis mais Allah, exalté soit-Il, lui a révélé la Parole suivante (sens du verset) : « Et si Nous ne t’avions pas raffermi, tu aurais bien failli t’incliner quelque peu vers eux. »
Bien que cette narration ait une chaîne de transmission complète, at-Tabarî a fait allusion à sa faiblesse dans son exégèse. Ceci en ce qui concerne le jugement relatif à la chaîne de transmission. Quant à son contenu, il s’inscrit toujours dans le cadre de l’effort d'interprétation légitime du Prophète (), car ces gens étaient des mécréants et le fait qu’il leur accorde une trêve d’un an n’entraînait aucun préjudice pour les musulmans étant donné que ces versets étaient révélés à Médine, et étant donné que ces gens allaient embrasser l’Islam de leur plein gré après l’expiration de ce délai. Tel fut la manière de réfléchir du Prophète (), mais Allah, exalté soit-Il, lui a interdit tout de même de mettre cette idée à exécution, car cette permission constituait en soi une approbation de la mécréance et une autorisation accordée à son existence ce qui aurait encouragé, en l’occurrence, d’autres tribus que Thaqîf à chercher à obtenir un délai pareil, ce qui aurait fait obstruction au djihâd ( lutte prescrite par la Charia) contre les mécréants.
Ainsi, il s’avère bien manifeste que rien ne saurait mettre en doute le contenu de ce noble verset dont ces calomniateurs tirent argument. Bien au contraire, il confirme qu’Allah, exalté soit-Il, a évité à Son Prophète de succomber aux tentations et a préservé Son Livre de tout ajout mensonger et de toute suppression de ce qu’il contient. C’est une préservation qu’Allah, exalté soit-Il, S’est engagé à assurer aussi bien à Son Prophète qu’à la nation musulmane toute entière, et ce afin de garantir à tous les humains que le Livre d’Allah leur parviendrait tel qu’il a été révélé, aussi limpide et aussi pur, sans nul ajout ni diminution aucune.
Source : site en arabe d’Islamweb.